Gestion du trafic par radar : le cas de Blainville
Texte de Jean-Patrice Desjardins – Il est 21 h, les commerces du boulevard de la Seigneurie à Blainville ferment leurs portent et les automobilistes affluent à la sortie des stationnements alors que d’autres véhicules arrivent en provenance de l’autoroute 15. Prenant acte des doléances de nombreux citoyens coincés dans le trafic à cette période de la journée, la ville de Blainville a confié la gestion de la fluidité du trafic sur la boulevard de La Seigneurie à des radars Matrix de Wavetronix.
Le boulevard de la Seigneurie est une artère importante parce qu’elle débute sur une sortie de l’autoroute 15, puis mène à une autre artère principale (la route 117) et à des quartiers résidentiels. Une autre de ses particularités est la présence, dans son premier kilomètre, de nombreux commerces. C’est connu à Blainville, tout le monde veut sortir en même temps des stationnements à la fermeture des magasins!
Blainville est un grand territoire, mais a peu de raccords vers l’autoroute 15. « Nous connaissions une situation où un fort trafic est présent en période de pointe, le soir. Ce problème de congestion est à la base de l’implantation des radars », confirme Sacha Fournier, ingénieur et chef de division études et conception à la Ville de Blainville. L’employé connait bien le problème, car il est en place au service de génie de la ville depuis 10 ans.
C’est à la suite d’une étude de circulation visant à rendre le boulevard de la Seigneurie plus fluide que la firme de génie-conseil CIMA+ a proposé de mettre en place des appareils de détection Matrix sur six intersections du boulevard de la Seigneurie dans l’espoir d’obtenir une meilleure adaptabilité au réseau artériel.
Déjà en novembre 2009, la Ville de Blainville s’était dotée d’un plan directeur de circulation pour guider sa prise de décision associée au réseau routier. Le plan n’impose pas l’utilisation des radars, mais on a vite réalisé que l’utilisation de cette technologie apportait de grands avantages.
D’autres villes importantes, au Québec ou ailleurs sur la planète, commencent à utiliser cette technologie de détection aux intersections routières. Au Québec, citons les villes de Terrebonne, Saint-Jérôme, Mirabel, Gatineau et Laval.
Petite histoire des feux de circulation
La gestion du trafic routier est apparue avec le développement et la popularité de l’automobile au 20e siècle. De cette popularité sont nées d’autres inventions comme les feux de circulation et la technologie culmine aujourd’hui avec les appareils de détection des véhicules sur la route et aux intersections.
« Bien avant la détection, la gestion du trafic se faisait par des agents de circulation, tout juste avant l’invention des feux de circulation. Durant les années 1960 et 1970 sont arrivées les boucles de détection des véhicules, qui permettent d’activer une phase particulière dans les feux de circulation, notamment pour le virage à gauche à une intersection », explique Patrick Lauzière, ingénieur et vice-président technologie et développement à l’entreprise Orange Traffic de Mirabel, fournisseur de la technologie des radars Matrix de Wavetronix.
Patrick Lauzière parle de services de génie municipaux québécois comme étant une industrie où les changements s’effectuent lentement. Les équipements ont de longues durées de vie (10, 20 ou même 30 ans) et la mise à jour se fait progressivement.
Une des récentes technologies est le radar de détection numérique, un radar qui offre une détection fiable et sans entretien.
Une problématique souvent rencontrée dans les villes se trouve dans la programmation du cycle des boucles de détection au sol, dans le but de les ajuster aux changements du trafic créé par le développement urbain. « Cette programmation ne tient pas toujours compte des changements de trafic aux heures de pointe, des changements saisonniers et des événements spéciaux. Les boucles sont fixes et ne peuvent être déplacées sans creuser dans la chaussée », explique Patrick Lauzière.
C’est dans le but de maximiser le flot de véhicules face à ces contingences qu’apparaissent les radars. « Le radar permet de réagir au trafic, de ne pas avoir à anticiper le flot des véhicules, qui dépend de tellement de facteurs. »
La technologie du radar
Le radar est la première étape de la réaction d’un système de contrôle de la circulation devant la présence de véhicules.
Dans le cas de Matrix, il s’agit d’un radar numérique (Digital signal processor) de haute précision, de par son haut niveau de bande passante.
« La technologie Matrix détecte avec fiabilité le passage de tout véhicule, même les vélos », lance Patrick Lauzière. Dans la boîte installée dans les airs, sur la structure d’un feu de circulation, on retrouve 16 faisceaux et autant d’antennes pour percevoir le retour du signal.
L’utilisation des faisceaux multiples permet une meilleure couverture et facilite le positionnement du radar. Le territoire couvert est une portion d’un cercle d’un angle de 90 degrés sur 42,5 mètres de rayon, soit environ un petit terrain de baseball. Appliqué sur la route, un seul capteur Matrix couvre tout ce qui peut approcher une intersection de trois voies routières (dans un seul sens). Il s’adapte à tous les systèmes de feux de circulation et la vaste majorité des contrôleurs acceptent cette technologie.
Comparaison avec autres technologies
La technologie des traditionnelles boucles de détection fonctionne bien et offre une bonne détection, malgré certaines limites. Un des grands désavantages de la technologie de détection par boucles dans le sol est son côté intrusif.
Installer et, éventuellement, entretenir ou remplacer la boucle endommage à chaque fois la chaussée. La durée de vie du fil de cette boucle ne dépasse habituellement pas cinq ans, car le fil peut se couper. Pour réparer, il faut creuser, donc fermer temporairement la circulation.
Il existe une technologie de détection par vidéo, mais elle est davantage sensible aux conditions météorologiques.
La technologie par radar est non intrusive et son principal avantage est le minimum de maintenance. En plus, elle offre peu de contraintes quant à son positionnement. Le radar fonctionne dans toutes les conditions météorologiques, même lorsqu’il y a du brouillard. Enfin, la technologie est flexible devant les changements de configuration des voies ou des lignes d’arrêt.
Gérer la frustration des conducteurs
Une des principales sources de frustration des conducteurs est celle du virage à gauche à une intersection balisée par des feux de circulation. « Quand vous demandez à un conducteur de s’arrêter devant un feu de circulation pour aller à gauche, il faut que ça marche ! Manquer une détection n’est pas permis et cela cause immanquablement de la frustration chez le conducteur », explique l’ingénieur Patrick Lauzière.
Le capteur par radar offre une vue en deux dimensions de la circulation, comme si on était au-dessus, à vol d’oiseau. Chaque intersection possède son « cerveau », un contrôleur pour les signaux de circulation. La programmation de ce contrôleur demande de définir des zones de circulation. « En quelque sorte, les détecteurs parlent au cerveau et chaque détection permet de donner un signal pour les contrôleurs de feux de circulation », poursuit Patrick Lauzière.
Les résultats à Blainville
En général à Blainville, la gestion des feux de circulation se fait de manière conventionnelle, c’est-à-dire avec des boucles de détection reliées à un contrôleur. « Des feux de circulation sont positionnés stratégiquement aux intersections de nos grands axes routiers qui sont fortement sollicités en période de pointe du matin et du soir. De nombreuses intersections, environ 28 d’entre elles, sont munies de feux de circulation, dont la majorité appartiennent au MTQ », affirme Sacha Fournier de la Ville de Blainville.
« Pour le boulevard de la Seigneurie, le système de détection Matrix permet d’obtenir plus de flexibilité dans la gestion des feux de circulation. Le système Matrix résout une problématique arrivée depuis la permission des virages à droite au feu rouge. Contrairement à une boucle de détection, le système Matrix permet de retirer du contrôleur l’appel du feu vert suite au départ du véhicule, permettant ainsi de conserver le feu vert dans l’axe principal », poursuit Patrick Lauzière.
La présence des radars Matrix a même simplifié le travail des employés de la Ville, qui n’ont pas à se soucier de la présence de boucles de détection au sol lors de travaux d’excavation ou de réfection de chaussée.
Pour l’instant les radars Matrix sont utilisés uniquement sur ce boulevard à Blainville, mais le but recherché est atteint. « Oui, à notre grande satisfaction, on peut maintenant éviter que des appels de feux soient retenus dans le contrôleur par la demande de la boucle de détection alors que les véhicules ont procédé au virage à droite au feu rouge. En d’autres termes, on évite des changements de phase inutiles », affirme Sacha Fournier.
Depuis l’utilisation de ces radars, l’ingénieur de Blainville remarque qu’il y a moins d’attente aux différents feux, surtout à l’extérieur des heures de pointe. « Nous avons une bande verte fonctionnelle et une meilleure fluidité. À la sortie des commerces, le nombre d’appels de feux inutiles a été réduit. »
À Blainville, on utilise encore abondamment la technologie conventionnelle des boucles de détection au sol, mais les radars pourraient prendre progressivement la place. « Au besoin, cette technologie pourrait être implantée, surtout qu’elle ne demande pas beaucoup d’entretien. C’est une technologie fiable. On doit cependant s’assurer que l’installation et la calibration sont effectuées dans les règles de l’art », précise Sacha Fournier.